La une du quotidien sportif espagnol Marca, lundi, a indigné de nombreux Européens. Pourtant, en Afrique, c’est tout à fait l’inverse. Un sentiment de fierté prédomine en voyant le continent être le principal pourvoyeur de talents du plus grand club du monde.
Fiers de leurs origines
Le journal Espagnol a mis en exergue les racines africaines de plusieurs joueurs du Real. »Ils se vantent d’avoir des racines africaines bien qu’ils aient grandi loin du continent. Ils renforcent une voie qui a été ouverte avec Eto’o, Geremi, Zidane, Makelele ou Diarra ». Ce sont les grandes lignes de l’article qui a fait l’objet d’une polémique.
C’est un fait qu’Aurélien Tchouaméni (parents d’origine camerounaise), Karim Benzema (Algérie), Ferland Mendy (père sénégalais, mère guinéenne) sont nés en France. Eduardo Camavinga, bien que né à Cabinda, a grandi en France. Antonio Rüdiger (Sierra-Léonais par sa mère) est né en Allemagne. Enfin, David Alaba (Nigérian par son père, Philippin par sa mère) est né en Autriche. Chacun d’entre eux a eu l’occasion, bien avant ce journal, d’exprimer son attachement au pays de leurs parents.
Ferland Mendy, par exemple, est le cousin d’Edouard Mendy, champion d’Afrique avec le Sénégal. Il est adulé partout au Sénégal pour sa victoire en Ligue des champions 2021. Le gardien de Chelsea est lui-même né en France. En quoi le latéral gauche des Bleus serait-il moins africain qu’un autre membre de sa famille ?
Eduardo Camavinga, facteur X de l’incroyable épopée madrilène de cette année, est né en Angola. Sa famille s’est retrouvée dans le pays après avoir fui la RDC. Il est parti en France à l’âge de deux ans, mais n’a obtenu la nationalité française qu’à l’âge de 17 ans.
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Envers et contre tous
Le coéquipier de Camavinga, Karim Benzema, candidat n°1 au Ballon d’Or cette année, n’a jamais caché son amour pour l’Algérie. C’est le pays de ses parents. Il a déclaré « c’est aussi mon pays » dans une interview il y a quelques années. Cela lui avait d’ailleurs valu une forte polémique en France. Comme si son statut d’international français devait le conduire à renier ses origines.
Lors du dernier rassemblement de l’équipe de France, la dernière recrue madrilène, Aurélien Tchouameni, a été sans ambiguïté en conférence de presse. « Oui, bien sûr que je supportais les Lions indomptables pendant la Coupe d’Afrique des Nations. Cela fait aussi partie de moi, car mes deux parents sont d’origine camerounaise. J’ai moi-même eu l’occasion d’aller au Cameroun pas mal de fois, j’y étais encore l’hiver dernier. »
Quant à Antonio Rüdiger, sa première réaction après avoir remporté la Ligue des champions avec Chelsea il y a un an a été de saisir le drapeau de la Sierra Leone. Son dernier voyage « au pays » avait soulevé les foules. Ce fut aussi le cas pour le passage remarqué la semaine dernière du champion du monde français Paul Pogba en Guinée.
Le chef du village d’origine de son père a déclaré : « Pela est le village natal du père de Paul Pogba, donc c’est le village natal de Paul Pogba, c’est le village de ses ancêtres. C’est pour cela que nous avons fait ce voyage. Les gens de Pela sont là pour recevoir leur fils. Parce que quand votre fils est une star interplanétaire, vous devez être de sa personne, c’est pour ça que nous sommes là. »
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Un « South America Power » n’aurait choqué personne
La principale critique de la Une de Marca concerne la carte de l’Afrique en arrière-plan. Celle-ci ne méritait pas des symboles aussi inutiles que des clichés, entre zèbres, girafes et acacias. Le seul point qui peut s’accorder avec le « racisme décomplexé » exprimé dans de nombreux médias français lundi.
Mais peut-on trouver « scandaleux » de considérer que le Real aurait une nouvelle politique de recrutement ? Personne ne s’offusque quand on rappelle que tel ou tel club a construit son succès sur son réseau sud-américain. Ce fut le cas de Lyon dans les années 2000 avec sa colonie brésilienne ou le récent PSG avec sa horde d’hispanophones par exemple.
Wahani Sambou Johnson, spécialiste du football pour Africanews, se dit « pas du tout choqué. Si on jugeait leurs performances uniquement sur leur couleur de peau, ce serait un problème. « Aujourd’hui, c’est juste sans précédent de voir autant d’Africains au Real et c’est une marque d’ouverture. Les barrières semblent tomber pour laisser place à une nouvelle ère, réjouissons-nous », a souligné Sambo.
Parfois, le débat sur les origines se déplace aussi vers l’Afrique, notamment sur la question des binationaux. On voit régulièrement des supporters congolais, camerounais, guinéens et autres discuter du bien-fondé de faire venir des joueurs français, belges ou espagnols au détriment des joueurs nés dans le pays.
Comme souvent, la question se règle sur le terrain. Aliou Cissé a été très critiqué par ses supporters pour être allé chercher une vingtaine d' »Européens » pour remplir la tanière des Lions. Personne n’a pensé à reprocher à Kalidou Koulibaly de soulever la première CAN du pays. Lui qui est originaire de Saint-Dié-des-Vosges, une obscure ville de la France profonde.
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De grands joueurs africains ont brillé au Real par le passé
Joel Kouam, correspondant au Cameroun pour Africanews, rappelle que le meilleur joueur actuel des Lions n’est autre que Karl Toko Ekambi. Né à Paris, il est adulé dans tout le pays. « Ici au Cameroun, nous sommes fiers de voir Tchouameni recruté à prix d’or par le Real Madrid. C’est une fierté de voir le plus grand club du monde s’africaniser », ajoute-t-il.
Il y a encore quelques années, à l’exception d’Eusebio dans les années 1970, Samuel Eto’o Fils était devenu le premier joueur de couleur depuis longtemps à porter l’uniforme mythique de Madrid. Formé par la Maison Blanche, il n’y a jamais vraiment eu sa chance avant d’être envoyé chez le rival Barcelone.
En 2015, l’influent agent de joueurs Santos Marquez, ancien conseiller du Camerounais, mais aussi de Claude Makelele (international français, mais né à Kinshasa), avait dénoncé l’attitude du président du Real Madrid, Florentino Perez, envers les joueurs noirs : « Il n’est pas raciste, mais il ne les aime pas. Je me suis battu avec lui sur le cas Eto’o. Il est parti à cause de la couleur de sa peau. »
Mais depuis, les stars africaines se sont succédé chez les Merengues. Le règne de Makelele a ouvert la voie à de nombreux milieux de terrain travailleurs. On y a vu le Camerounais Geremi Njitap, le Ghanéen Michael Essien, le Franco-Malien Lassana Diarra ou le Malien Mahamadou Djilla Diarra briller au milieu. Comment oublier le Kabyle Zinedine Zidane, qui est devenu un mythe au Bernabeu, sur ou en dehors du terrain.
Comme l’international capverdien Valdo Lopes Rocha, le Marocain Achraf Hakimi, originaire de la capitale espagnole, a lancé sa carrière au Real. Le premier est né à Pampelune, tandis que le second brille aujourd’hui au PSG après avoir lancé sa carrière à Dortmund puis à Milan en raison de la trop grande concurrence en défense.
Journaliste pour Actu Football. Amoureux du foot depuis l’enfance. Surveille le mercato et les championnats européens. Le marché des transferts est passionnant ! #football #ligue1 #mercato #transferts
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